Mon traître, le choc littéraire de l'hiver

Jusqu'à la lecture de "Mon traître", je croyais être inapte à admirer le style d'un ex-journaliste de Libération, Sorj Chalandon.Des années durant, il a couvert le conflit nord-irlandais, l'Irlande lui tient désormais à la peau, il y a contracté des amitiés solides et robustes, notamment avec Denis Donaldson, une figure de l'IRA qui  a travaillé en parallèle pour le renseignement anglais- exécuté pour cela le 04 avril 2006. On plonge dans Belfast dans les années de plomb, l'écriture est âpre, abrupte, et tout ressurgit, la pluie, les chopes de bières qui s'entrechoquent, le harcèlement policier et militaire, les halos de fumées recouvrant les chants patriotiques. Le roman lui donne la quintessence pour exprimer le poids des émotions contenues et retenues, l'ambiguïté tragique de cette situation d'exception.

"La première fois que j'ai vu mon traître, il m' appris à pisser. C'était à Belfast, au Thomas Ashe, un club réservé aux anciens prisonniers républicains. J'étais près de la porte, à côté de la grande cheminée, assis à une table couverte de verres vides et de bouteilles mortes."