Noël en taule
Premier dimanche de l'Avent, profitons de ces jours d'attente pour explorer notre patrimoine littéraire illuminé par le temps de la Nativité.Un début dans la douleur tragique qui sait atteindre la tendresse authentique.
Noël en taule
Qu’importe aux enfants du hasard,
Le verrou qu’on tire sur eux :
Noël n’est pas pour les veinards,
Noël est pour les malchanceux.
Voici la nuit : il n’est pas tard,
Mais la cloche tinte pour eux.
Noël derrière les barreaux,
Noël sans arbre et sans bonhomme,
Noël sans feu et sans cadeau,
C’est celui des lieux où nous sommes,
Où d’autres ont joué leur peau,
Sur la paille dormi leur somme.
Je t’adopte, Noël d’ici,
Bon Noël des mauvaises passes :
Tu es le Noël des proscrits,
De ceux qui rient dans les disgrâces,
Des pauvres bougres qu’on trahit,
Et des enfants de bonne race.
Nous savons qu’au dehors, ce soir,
Les amis et les cœurs fidèles,
Les enfants ouvrant dans le noir,
Malgré le sommeil, leurs prunelles,
Evoquent l’heure du revoir
Et tendent leurs mains fraternelles.
Et pour revoir, gens du dehors,
Le vrai Noël de nos enfances,
Nos yeux sur l’ombre de l’absence,
Pour dissiper le mauvais sort
Et faire flamber l’espérance.
Robert Brasillach, "Noël "1944, fusillé le 6 mars 1945