La forêt comme invitation au sacré
"(...) dès cet instant, j'arrête d'écrire pour me promener dans la forêt. Elle est là, disponible et souveraine, offerte à tous, exempte de barbelés, à perte de vue. J'aime ces grandes cathédrales silencieuses aux travées peuplées de fougères, éclairées par un soleil jouant entre les pins, s'embrasant et disparaissant comme à travers un vitrail. Rien de plus mystérieux que ces longues pistes sablonneuses qui lignent les pins à perte de vue, dépourvues de la moindre rature. Et pourtant on s'y égare aussi facilement que dans un labyrinthe. Le vent chante dans les pignadas, modulant sa voix selon la densité du boisement ou la profondeur des éclaircies. Jamais je n'ai mieux compris la justesse ce image inventée par Stendhal, "harpe éolienne". La harpe renvoit à la poésie néoclassique, mais quand le vent souffle, tourne et se meurt sur les grands arbres, une mélodie envoûtante parcourt le massif forestier. Chaque fût vibre à la manière d'une corde, transmettant en proportion de la ventilation son frémissement à la cîme"
p.228, "La maison du retour"(2007), Jean-Paul Kauffmann, Folio, 2008