Un inédit de Malaparte, ou la Passion du peuple des perdants
"Quai Voltaire" publie un inédit précieux de Curzio Malaparte, né Kurt-ErichKurt-Erich Suckert. Un récit sobre qui nous replonge dans la tourmente de 1943 en Italie. L'écrivain exprime une émotion discrète et profonde pour dépeindre le désarroi du peuple italien.
Résumé: dans l'Italie de 1943, après le
renversement de Mussolini et le chaos provoqué par la signature de
l'armistice, le nouveau régime, dirigé par le général Badoglio, ne peut
contenir des hommes qui, sans ordres et sans chefs, décident de rentrer
chez eux tandis que les troupes alliées débarquent sur les côtes sud.
Calusia promet à son lieutenant qu'il amènera sa dépouille à sa mère à Naples:
"Calusia et Mariagiulia écoutent, figés, puis reprennent leur course effrénée, fuient à contre-courant de la foule qui a accompagné la caisse jusqu'à la porte cochère et qui, à présent, monte aux étages en grand tumulte, priant à haute voix, invoquant la Madone et tous les Saints, avec cette forme de piété collective qui à Naples est le signe le plus noble, le plus spontané, de la solidarité chrétienne et sociale des pauvres." p.99
La postface écrite Carole Cavallera met bien en valeur la virtuosité littéraire du récit:
"Le plus grand Malaparte est en effet dans ces pages poétiques et rapides: tantôt il se presse, faufile les scènes, comme on dit en couture, le coud à peine d'un bout de chemin esquissé; tantôt il s'arrête, et son oeil cinématographique suggère un combat estompé dans la brume, passe au plan serré pour dénoncer les trafiquants qui achèvent d'affamer le peuple, puis au plan large, presque lyrique, pour l'arrivée du cortège d'enfants. Ainsi progresse Le Compagnon de voyage, au fil des stations d'une longue procession, celle de la Passion du peuple des perdants, des vaincus de l'Histoire, des frères de Malaparte."p.106