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Lectures paresseuses
14 avril 2011

Fossilisation de la langue:l'après 68 japonais

    "Dans les années70, la politique était encore très présente sur les campus universitaires. Les séquelles des 41Z2gSl76RLévènements de 68 étaient là, cruellement visibles: murs tagués, matériels abîmés, salles endommagées. J'arrivais dans un paysage désenchanté dans un lieu meurtri qui témoignait de la violence des actes perpétrés. Mais ce qui gênait le jeune homme de dix-huit ans, ce n'était pas ces stigmates sociaux qui ne favorisaient guère la concentration, ni le désenchantement, ni l'abscence d'élan collectif nécessaire aux études. C'était plutôt le vide des mots: des gauchistes, comme des revenants sur un champ de bataille où gisent des cadavres mutilés, usaient inlassablement de discours politiques stéréotypés à grand renfort de rhétorique surannée. La jeunesse communiste n'échappait pas non plus à cette usure de la langue. Quant à la majorité des étudiants non politisés ou dépolitisés, ils se muraient dans une hébétude satisfaite qui annonçait sans doute le consumérisme bavard des années à venir. Bref, des mots dévitalisés, des phrases creuses, des paroles désubstantialisées flottaient sans attache autour de moi comme des méduses en pullulement. Partout il y avait de la langue, de la langue fatiguée, pâle, étiolée: paroles proférées à travers micros et porte-voix, vocables tracés sur de gigantesques panneaux, discours imprimés dans des tracts qui puaient l'encre, tout cela constituait mon quotidien linguistique, et tout cela, c'est cette sensation, désagréable voire intolérable, de flottement qui m'est restée."

p.221/22, "Une langue venue d'ailleurs", Akira Mizubayashi, Gallimard coll. "L'un et l'autre"

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