La fugue ou l'ivresse de la rupture
"Je me souviens de l'impression forte que j'ai éprouvée lors de ma fugue de janvier 1960 - si forte que je crois en avoir connu rarement de semblables. C'était l'ivresse de trancher, d'un seul coup, tous les liens:rupture brutale et volontaire avec la discipline qu'on vous impose, le pensionnat, vos maîtres, vos camarades de classe. Désormais, vous n'aurez plus rien à faire avec ces gens-là; rupture avec vos parents qui n'ont pas su vous aimer et dont vous vous dites qu'il n'y a aucun recours à espérer d'eux; sentiment de révolte et de solitude porté à son incandescence et qui vous coupe le souffle et vous met en état d'apesanteur. Sans doute l'une des rares occasions de ma vie où j'ai été vraiment moi-même et j'ai marché à mon pas."
p.77/78, "Dora Bruder"(1997), Patrick Modino, Folio N°3181