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Lectures paresseuses
2 mai 2008

Description de La Frette par Chardonne

   Dans "Le ciel dans la fenêtre", disponible dans la collection de poche" La petite vermillon", Chardonne décrit La Frette sous le nom de Buc-Chalo:

   

La_FretteJadis, des champs, dominant la Seine. au bas des coteaux, le long du fleuve, un village de paysans, noyé chaque hiver par les inondations; on plantait des arbres fruitiers qui gelaient en fleur au mois de mars. C'était aussi la coutume de construire des maisons contre la voie du chemin de fer et au bord de la route de Paris en plein vacarme." p.47

    "Je ne sors guère de mon jardin et personne ne vient me voir. c'est là, devant un grand espace de ciel, de champs et de forêts, fait pour les yeux, que j'ai perdu presque toute curiosité en faveur d'un bénéfice encore indéterminé.
    Pour la première fois, voici quelques jours, je suis entré dans le cimetière; il est à flanc de coteau, un reflet de la Seine par-dessus le mur. J'ai été surpris par son aspect d'uniformité. Il ne ressemble pas aux cimetières charantais de mon enfance et leurs cyprès bien nourris. Les tomes des riches étaient de sévères demeures entourées de grilles; les tombes modestes, mes plus visitées, les plus fleuries, chargées de couronnes en perles; à l'entrée il y a avait un gros bloc de pierre de taille dont on sciait une tranche pour les nouveaux venus et qui répandait à cette place comme une poudre de neige où les enfants s'amusaient à laisser l'empreinte de leur pas.
    Ici, les tombes sont toutes semblables et bien alignées; elles viennent du même fournisseur qui fait une imitation de pierre bleuâtre pointillée de blanc, rectangle coupé d'une arête en son milieu. L'ensemble assez dénudé, convenablement égalitaire, n'a rien qui vous retienne.
    J'allais sortir du cimetière, quand j'aperçus près d'un mur, à l'écart, dans une partie haute de ce terrain, une tombe admirable. Elle n'était pas très différente des autres; seulement elle était en pierre, une dalle avec un nom. Était-ce la pierre, sa densité et sa nudité singulière, ses proportions, j'ai longtemps regardé cette dernière trace d'un homme de goût; un homme que je n'avais pas connu quoiqu'il fût mon voisin. il se distinguait encore de tous les autres dans la mort par sa tombe, la disposition de quelques lignes,une voix presque secrète dans la pierre que l'on peut appeler le style, et qui avait tant d'accent dans sa discrétion. C'était le peintre Marquet.
    Aussitôt j'ai pensé: là sera ma tombe, pareille à la sienne, dans la même rangée, près de lui. Je n'avais pas encore songé à ces détails.
    J'ai acheté le terrain; en même temps j'ai fait connaître mes volontés pour ce jour. C'est là que l'on me déposera, à l'aube, avant que cette nouvelle ne soit connue; personne ne m'accompagnera, sauf ma femme et mes enfants.
    Ces choses en ordre et toutes celles qui s'y rapportent, je fus rassuré. J'avais laissé un peu de vague autour de ces moments, par négligence.
    A présent, je suis en règle avec la mort; il n'y a plus de question de ce côté, même sur la fin du monde; du moins de celles qui me concernent". p.83 à 85

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