Une description littéraire de la subversion dans l'église

     Quand l'église passe à "gauche", Benoît Duteurtre donne une saisissante expression littéraire à la "Révolution d'Octobre"(selon l'expression du père Congar) à l'œuvre au cours des années soixante, on apprécie l'arbre à ses fruits:

"L'association Saint-Thomas-d'Aquin fut le théâtre de ces transformations fulgurantes. Quand j'étais entré à la manécanterie, le chœur des petits chanteurs en aube entonnait encore pour la grand-messe des motets de Lully, Rameau, Haendel. Rélégués à la sacristie, les ados en train de muer se contentaient d'agiter des encensoirs autour du curé. A la fin de l'office, une organiste célibataire luttait entre les deux claviers et le pédalier pour atteindre l'extase dans les pleins-jeux d'une toccata de Boëllman ou de Widor. A partir de 1972, notre chorale allait connaitre une révolution culturelle, moins violente que celle de Chine populaire, mais également fondée sur l'idée d'une suprématie des jeunes invités à bousculer les certitudes de leurs aînés. A ces bouleversements, nous allions euphoriquement contribuer.
  Tout commença dans la douceur d'un sourire béat quelques étudiants qui avaient passé leur enfance à la "mané" revenaient le week-end, armés de guitares, et répandaient dans la communauté un vent de fraternité universelle, d'amour, d'innocence et de respect de la nature. cette doctrine agrémentée d'accords folks américains impliquait aussi la remise en question du dogme, du rituel, et du décorum de l'Eglise traditionnelle."  p.90
   "Quelques uns tenaient bon, brandissaient leurs manuels de grégorien et organisaient leur propre dissidence. Ils comprenaient que leurs premiers reconcements marqueraient le début d'une défaite totale, que rien ne s'opposerait plus à cette force nouvelle dont le le principe était d'exiger toujours plus davantage." p.91

"Les Pieds dans l'eau", Benoît Duteurtre, Gallimard 2008