Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lectures paresseuses
23 septembre 2008

Aymé, ou l'art de l'ouverture

    Dans la continuité de Maupassant, Aymé excelle dans l'art de l'exposition. Un paragraphe s'impose pour donner la tonalité, la couleur de l'histoire qui prend naissance. Egale puissance d'évocation visuelle, de familiarisation immédiate avec le lecteur. L'ouverture de "La table-aux-Crevés" est exemplaire, en quelques lignes, le décor est planté:

   "La cuisine était propre. Au milieu, l'Aurélie pendait à une grosse ficelle, accrochée par le cou. De grand matin, courbée sur son cuveau, elle avait entrepris de buander le linge. Au soir, elle avait eu envie de mourir , tout d'un coup, comme on a soif. L'envie l'avait prise au jardin, pendant qu'elle arrachait les poireaux pour la soupe. Du pied heurtant la motte de terre, l'Aurélie était à plat ventre heurtant une motte de terre, l'Aurélie était tombée à plat ventre dans le carré de poireaux. Et la terre lui avait paru molle comme édredon, si douce à son grand corps séché de fatigue, qu'elle était retée un bon moment, le nez dans le terreau, à prier la Sainte Vierge. En se relevant, l'Aurélie avait regardé l'air sec d'avril, d'un bleu si dur dans les lointains. Alors elle avait baissé la tête et reposé ses yeux sur le coin du jardin où la haie vive faisait une ombre fraîche."

p.07, "La table-aux-Crevés"(prix Renaudot 1929), Marcel Aymé, Folio

Publicité
Commentaires
Lectures paresseuses
Publicité
Lectures paresseuses
Catégories
Archives
Derniers commentaires
Publicité