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Lectures paresseuses
25 novembre 2010

Transfiguration par la musique

   " ll n'est pas tout à fait juste, poursuivit-il, quand il revint s'assoir à côté de moi, du varech sur les chaussures, de prétendre que, chez cette violoniste féerique, c'est  ce flot  de longs cheveux  qui m'a d'abord fasciné. Ce furent d'avantage les yeux, 9782355800115ou plutôt, non pas les yeux, mais le loup blanc qui se remarquerait presque pas  sur le visage poudré de blanc. Plus je restais là, plus le le visage masqué  me fascinait. D'abord, ce furent l'immobilité , la pure matérialité du masque qui me frappèrent, parce qu'elles étaient en contradiction criante avec cette musique pleine d'âme. Comment un masque rigide pouvait-il naître une chose  comme celle-là ? Peu à peu, je pus deviner  les yeux derrière le petites fentes; ensuite, je les vis. Ils étaient la plupart du temps fermés; le visage poudré paraissait alors scellé et mort. Alors, les sons semblaient presque venir de l'au-delà, se servant de ce corps sans regard comme d'un médium. Surtout dans les passages lents, lyriques, quand l'instrument bougeait  à peine et que le bras qui tenait l'archet glissait lentement dans l'espace. C'était un peu si Dieu parlait d'une voix sans paroles à ces voyageurs  qui écoutaient, retenant leur souffle. Ayant posé  près d'eux  leurs valises, sacs à dos et autres bagages, ils recevaient en eux, comme une révélation, la musique sublime. A côté de cette musique, les bruits de la gare semblaient dépourvus de réalité. Les sons qui s'échappaient de ce violon à l'éclat sombre  étaient dotés d'une réalité propre qui -   l'idée  me passa soudain par la tête - n'aurait pu être ébranlée, même par une explosion."

p.24/25, "Léa", Pascal Mercier, Maren Shell 2010

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