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Lectures paresseuses
11 novembre 2014

Couronnement de la nature

Ecrit le 11 avril 1942 à l'âge de 21 ans, à Aubergenville dans les Yvelines :

  

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"Ce matin, après avoir épluché les pommes de terre, je me suis sauvée au jardin, sûre de la joie qui m'attendait. J'ai retrouvé les sensations de l'été dernier, fraîches et neuves, qui m'attendaient comme des amies. Le foudroiement de lumière qui émane du potager, l'allégresse qui accompagne la montée triomphante dans le soleil matinal, la joie à chaque instant renouvelée d'une découverte, le parfum subtil des buis en fleurs, le bourdonnement des abeilles, l'apparition soudaine d'un papillon au vol hésitant et un peu ivre. Tout cela, je le reconnaissais, avec une joie singulière. Je suis restée à rêver sur le banc là-haut, à me laisser caresser par cette atmosphère si douce qu'elle faisait fondre mon coeur comme de la cire; et à chaque moment je percevais une splendeur nouvelle, le chant d'un oiseau qui s'essayait dans les arbres encore dénudés, et auquel je n'avais pas encore fait attention, et qui soudain peuplait le silence de voix, le roucoulement lointain des pigeons, le pépiement des autres oiseaux; je me suis amusée à à observer le miracle des gouttes de rosée sur les herbes, en tournant un peu la tête, je voyais leur couleur changer du diamant à l'émeraude, puis à l'or rouge. L'une d'elles est même devenue rubis, on aurait dit de petits phares. Brusquement, en renversant la tête, pour voir le monde à l'envers, j'ai réalisé l'harmonie merveilleuse des couleurs du paysage qui s'étendait devant moi, le bleu du ciel, le bleu doux des collines, le rose, les bruns et les ocres tranquilles des toits, le gris paisible du clocher, tout baignés de douceur lumineuse. Seule l'herbe fraîche et verte à mes pieds mettait une une note plus crue, comme si elle seule était vivante dans ce paysage de rêve. Je me suis dit: "Sur un tableau, on croirait ce vert irréel, avec tous ces coloris de pastel."Mais c'était vrai."

p.25,"Journal"(2008), Hélène Berr, Points Seuil n.2163

  Un passage qui évoque musicalement "Forest fire" de Lloyd Cole and the Commotions:

 

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