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Lectures paresseuses
8 janvier 2015

Acédie à Rocamadour chez Houellebecq

     C'est une séquence très troublante et énigmatique dans le dernier roman de Houellebecq. Le personnage, athée, spécialiste universitaire de Huysmans, part à Rocamadour sur les conseils d'un collègue universitaire. Il assiste à une lecture publique des poèmes de Péguy, notamment ceux exaltant l'amour charnel de notre terre, de notre pays. Il est frappé par le "visage ouvert et fraternel que parviennent  je ne sais comment à arborer les jeunes catholiques"(p.168). L'intellect du personnage saisit la densité symbolique et moral du lieu, mais le coeur ne s'ouvre pas et s'enfonce dans l'aridité ("et je redescendis tristement les marches en direction du parking"). Cette Sibérie affective ne sera fissurée qu'avec la conversion finale à l'...Islam. A travers cette figure romanesque, comment ne pas songer à cette lassitude d'être soi qui nous taraude français d'aujourd'hui ? On pense au Cioran d' Histoire et utopie", où, pour pour échapper à la fatigue de soi, on aspire à la délivrance par les Barbares.
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Notre_Dame_Rocamadour

"Bien autre se jouait, dans cette statue sévère, que l'attachement à une patrie, à une terre, ou que la célébration du courage viril du soldat; ou même le désir, enfantin, d'une mère. Il y avait là quelque chose de mystérieux, de sacerdotal et de royal que Péguy n'était pas en état de comprendre, et Huysmans encore bien moins. Le lendemain matin, après avoir changé ma voiture, après avoir payé l'hôtel, je revins à la chapelle de Notre-Dame, à présent déserte. La Vierge attendait dans l'ombre, calme et immarcescible. Elle possédait la suzeraineté, elle possédait la puissance, mais peu à peu je sentais que je perdais le contact, qu'elle s'éloignait dans l'espace et et dans les siècles tandis que je me tassais sur mon banc ratatiné,restreint. Au bout d'une demi-heure je me relevai, définitivement déserté par l'Esprit, réduit à mon corps endommagé, périssable, et je redescendis tristement les marches en direction du parking.

p.170, "Soumission"(2015), Michel Houellebecq, Flammarion

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