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Lectures paresseuses
16 juin 2008

Un parfum de vie nordique

254181769_177fda62d2    "Il régnait une odeur de bois fraîchement coupé. Elle se répandait de la route jusqu'à la rivière, elle remplissait l'air et flottait au-dessus de l'eau, elle pénétrait partout, elle m'engourdissait et me faisait perdre la tête. J'étais au centre de tout. Je sentais la résine; mes vêtements et mes cheveux sentaient la résine; la nuit, dans ma couchette, ma peau sentait la résine. Je m'endormais avec l'odeur de résine, je me réveillais avec l'odeur de résine, l'odeur de résine m'accompagnait du matin au soir. Je faisais un avec la forêt. Pataugeant dans des brindilles de sapin, je courais partout en coupant des branches comme mon père m'avait appris à le faire: aussi près du fût que possible, pour ne laisser dépasser qui puisse gêner le passage du couteau à écorcer ou blesser les pieds des hommes qui auraient à marcher sur les grumes et les séparer quand elles s'agglutineraient sur la rivière. Je maniais la serpe en cadence; un coup à droite, un coup à gauche. Le travail était pénible, tout me résistait, tout était dur, mais ça m'était égal; je ne sentais pas ma fatigue et je continuais à travailler sans y prêter attention. Les autres devaient me retenir, ils me prenaient par l'épaule et m'asseyaient de force sur une souche d'arbre en m'enjoignant de rester assis et de me reposer un peu, mais ma résine me collait aux fesses, mes pieds me démangeaient et je finissais par m'arracher de la souche et m'emparer de la serpe. Le soleil me cuisait et mon père rigolait. J'avais un sentiment d'ivresse."

p.102-103, "Pas facile de voler les chevaux"(2006) , Petterson Per, Folio (2008)

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