L'aigreur cocardière
Malinier (ancien militaire et époux malheureux) incarne bien ce que peut être les travers d'un nationaliste, l'acidité d'Aymé se loge avec perfection avec son sens aigu du burlesque:
"Malinier, avec une violence encore contenue, se mit à énumérer les plaies de la France et à décrire les fléaux qui la guettaient. (...) Malinier, les yeux égarés, parlait maintenant avec une véhémente et obscure éloquence d'où surgissaient de terrifiantes visions de guerre civile, d'assassinats, de viols, de pétroleuses et de barricades. Il voyait la France envahie jusqu'à la somme par les armées allemandes et capitulant après deux ou trois années de résistance pour achever de se dissoudre dans le communisme, l'anarchie, l'alcoolisme, le cubisme et la luxure, et devenir pour le monde un objet de mépris. Le pire était qu'il fût seul pour faire face à d'aussi effroyables perspectives. Déjà le spectacle de l'inconscience et de la veulerie des Français lui était insupportable." p.206
"Nos frères d'Espagne ont des droits sur nous. Il en fut troublé et agité. La rencontre lui paraissait menaçante et suspecte. Il prit dans sa poche une paire de jumelles et, s'allongeant à demi sur la table à côté de son fusil, regarda par le créneau. A travers ses jumelles, il distingua nettement la révolution qui montait, un grouillement infâme de communistes débraillés, de juifs, de socialistes prébendés, d'alcooliques, de radicaux barbus, de peintres cubistes, d'espions allemands et de provocateurs moscovites. Tout en dévorant la substance de la France, la horde avançait lentement, avec des pauses et des reprises, mais d'un sûr et ample mouvement de marée." p.203