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Lectures paresseuses
24 août 2008

Fabrique du style prolétarien

Milou est le "protégé" de Johnny, un dandy grand bourgeois, celui-ci lui donne ses conseils pour sortir de sa condition de boxeur:
greve"- Ecrivain. Tu écrirais des livres. Je suis sûr que tu réussirais très bien. Tu es photogénique et fils de croque-mort, il n'en faut guère plus. Le reste viendrait tout seul. Naturellement, tu ferais dans la misère du peuple, l'injustice sociale, la poésie des masses, la noblesse de leurs instincts.Je t'aiderais un peu pour les commencements. J'ai pensé que tu pourrais débuté par des souvenirs d'enfance. Tu écrirais simplement, comme tu as appris. Je vois très bien des petites phrases courtes, dans le genre de celle-ci:"Mon père était croque-mort. Mamère faisait des ménages. Nous étions sept frères et sœurs. Le soir, à table, le père racontait sa journée. Tantôt, disait-il, j'ai enterré un sacré lapin. Ce cochon-là faisait au moins cent quatre-vingt livres. On riait. Il était content. Je l'admirais. Il était le maître de la vie et de la mort." Les connaisseurs s'extasieraient sur la concision magique de ton style: dureté et éclat du diamant. Les journaux de gauche diraient: Un grand écrivain et un prolétaire authentique.Et même dans les journaux de droite, quand on saurait que tu es mon ami, on se montrerait bienveillant."

p.145-146, "Travelingue"(1941), Marcel Aymé, Folio

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