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Lectures paresseuses
1 décembre 2008

La fabrique, un conte de Noël grinçant

         Publié en 1967 dans le recueil "Enjambées", la nouvelle "La Fabrique" est un conte de Noël corrosif.

  "Il y avait dans la ville de Blémont, rue de la Ferronnerie, une petite fille fille de six ans prénommée Valérie qui se rongeait les ongles."
Son oncle Alfred la menace de la priver de cadeau si elle ne cesse cette manie.9782070414314_0_2000360277
'Le matin du 24 décembre, à 4 heures et demie, alors qu'il faisait nuit noire, elle s'éveilla les doigts dans la bouche et, saisie d'un pressentiment, put vérifier que pendant son sommeil, elle avait rongé presque tous ses ongles. Elle eut un mouvement de retraite comme pour échapper à la triste réalité et croyant s'enfoncer sous ces couvertures, elle s'enfonça dans la nuit des temps et de cent vingt ans en arrière, en sorte qu'elle se retrouva en 1845 au même endroit, non pas dans la maison de ses parents, mais dans celle qu'avait détruit le bombardement."
   On apprécie la manière subrebtice avec laquelle Marcel Aymé introduit le fantastique dans un univers aussi "réaliste" (nom de la ville, de la rue, précision de l'âge, du moment de l'année, le tout sans l'air d'y toucher). Après cette ouverture se déploie une évocation poignante des enfants travaillant à la fabrique où le jeune garçon de cinq ans, Hippolyte  va mourrir d'épuisement le jour de Noël.
   "Après une heure de travail, Hippolyte sentit venir déjà l'affreuse lassitude et la tentation de tout abandonner, qui ordinairement l'assaillaient vers le milieu de la matinée et qu'il vait jusqu'alors surmontées."
  Hippolyte est porté, agonisant par son frère, Aristide et Anglade, collègue de travail vers la maison familial où rententit des coups de marteaux, son père prépare son cercueil, Hippolyte meurt en disant," à voix basse":
"C'est papa qui cloue mon arbre de Noël."
  Valérie se retint de pousser un cri, mais saisissant Hippolyte par la main, elle réussit au prix d'un immense effort à reprendre pied dans le temps qu'elle avait quitté."

    Quelques pages sur une famille ouvrière française suffisent à ce narrateur hors-pair qu'était Aymé, dans leur concision terrible, pour rejoindre le meilleur de Dickens, et suggérer l'ampleur de la question sociale au coeur de l'intimité familiale. Une lecture incontournable.

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